Madame la Ministre,
Nous sommes extrêmement surpris par le terme « mauvaise foi » utilisé dans votre réaction à la déclaration de Thierry Flamand lors de la cérémonie des Césars, alors que ses propos visaient l’exode constaté des films « à gros budget » hors de l’hexagone.
Nous saluons avec reconnaissance les importantes améliorations du crédit d’impôt « cinéma » qu’Aurélie Filippetti et vous-même avez fait voter, mais nous savons que ces dispositions n’auront pas ou peu d’impact sur les productions françaises et étrangères dont les budgets sont supérieurs à 10 millions d’euros.
Ce sont ces films dont parlait Thierry Flamand, ces films qui emploient un nombre important de techniciens et ouvriers les plus qualifiés, notamment dans le domaine de la décoration. Ces films qui sont les plus gros générateurs de retombées économiques.
Voilà plus de 15 ans que nous assistons, totalement impuissants, à la délocalisation de la quasi totalité des « gros » films français, à la casse de notre industrie cinématographique.
En ne gardant en France que les phases de conception et en délocalisant la fabrication à l’étranger, nous contribuons malgré nous, à la création de toutes pièces d’une industrie cinématographique dans des pays qui en étaient absolument dépourvus avant la mise en place de leurs avantages fiscaux. Nous y créons des emplois qualifiés, au détriment de nos propres équipes dont les métiers et le savoir-faire sont reconnus dans le monde entier.
Dans le même esprit, nous nous sommes battus, bien seuls au début, avec nos modestes armes pour sauver les studios de Bry sur Marne de la destruction.
Si nous comprenons qu’un opérateur privé puisse se désengager de cette activité (même s’il a bénéficié d’un très beau cadeau initial et des aides de l’Etat pour reprendre le site et ses salariés) nous considérons que c’est le rôle de l’Etat de s’assurer de la survie du site et de son activité.
Quel sens aurait une politique qui met en place d’important outils fiscaux destinés à aider le cinéma français et qui laisserait, dans le même temps, fermer son plus bel outil de fabrication ?
Chère Madame la Ministre, comme vous l’aurez compris, c’est parce que vous avez initié un certain nombre de mécanismes destinés à inverser la spirale mortelle dans laquelle les fabricants du cinéma français étaient aspirés que nous nous adressons à vous, confiants, pour aller plus loin et permettre aux gros films français et étrangers de revenir se fabriquer en France.
Thierry Flamand et l’ensemble des membres de l’ADC,
Association des chefs décorateurs de cinéma.