Par Costa-Gavras
Alain Corneau était notre ami depuis de longues années. Il a été mon assistant, à ses débuts, à peine sorti de l’Idhec. J’ai tout de suite été frappé par son énergie, sa capacité d’adaptation, son talent. Il était un homme de passion, doué d’éclats de rires très communicatifs. Franc du regard, amical, loyal.
Il a conçu une œuvre personnelle, alternant les films de genre (polar, aventure, épopée militaire), manifestant ainsi avec élégance son attachement au cinéma américain traditionnel comme au cinéma français.
Alain a tourné avec les plus grands acteurs de cinéma : Yves Montand et Simone Signoret, Michel Bouquet, Patrick Dewaere, Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, Catherine Deneuve, Marie Trintignant, François Périer, Marie Dubois, Carole Laure, Myriam Boyer, Philippe Noiret, Sophie Marceau, Richard Anconina, Jean-Hugues Anglade, Clémentine Célarié, Sylvie Testud, Sergi Lopez, François Berléand, Thierry Lhermitte, Guillaume Depardieu, Anne Brochet, Jean-Pierre Marielle, Alain Chabat, Patrick Timsit, Monica Belluci, Michel Blanc, Jacques Dutronc. Et tant d’autres. Son dernier film est sorti récemment, Crime d’amour, un polar avec Kristin Scott Thomas et Ludivine Sagnier.
Alain aimait la littérature, comme en témoignent sa collaboration et sa complicité avec des écrivains comme Georges Perec, Antonio Tabucchi, Daniel Boulanger, Louis Gardel ou Pascal Quignard. En 2003 il avait adapté un roman d’Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements. Sa passion pour le jazz était totale, méthodique, exclusive, comme celle de la musique en général. Il en fallait, de la passion et de l’audace, pour se lancer en 1992, avec Pascal Quignard, dans un projet aussi original que Tous les matins du monde. Alain était follement heureux que le public le suive dans cette belle aventure. Et que la profession lui attribue une pluie de César.
Alain était un voyageur impénitent. Dès qu’il le pouvait, il partait avec Nadine, sa compagne, très loin, en général en Asie, et pour de longs séjours. Combien de fois est-il allé en Inde ou au Japon, en Thaïlande ou en Birmanie, pays dont il connaissait la culture, les paysages, les êtres et les modes de vie. C’est là qu’il souhaitait se retirer, plus tard, avec Nadine...
Les voyages, la musique, le cinéma, le goût des autres, la curiosité toujours en éveil, tout cela faisait partie de cet homme de passion, rayonnant.
Alain Corneau était un ami fidèle de la Cinémathèque française. En juin dernier, il avait été réélu avec brio au sein du conseil d’administration. Sa connaissance infinie et vivante du cinéma, ainsi que son ouverture d’esprit en faisaient un compagnon précieux, dont la présence attentive et amicale était à mes yeux indispensable.
Nous perdons un ami très cher. Et le cinéma français perd un de ses plus fervents serviteurs.
COSTA GAVRAS