Les mesures spécifiques au secteur ont été prolongées jusqu’au 15 février.
L’avenir du régime d’assurance-chômage des intermittents reste incertain.
Rien n’est pire que de ne pas savoir ce qui se trame, à l’approche d’une négociation. C’est la situation à laquelle sont confrontés les intermittents, en ce début d’année 2009. Quel avenir pour l’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle ? Quelque 102 223 intermittents étaient dénombrés fin 2007 - chiffre correspondant au nombre de personnes ayant été indemnisées au moins un jour dans l’année. Alors que la discussion sur le régime général de l’Unedic s’est achevée à la veille de Noël 2008, nul ne sait quand les négociations sur les annexes VIII et X (techniciens du spectacle et artistes) pourraient s’ouvrir. Certains disent même qu’elles pourraient ne pas avoir lieu ! "Personne, ni le Medef ni les syndicats, n’a envie de toucher à ce sujet sensible", assure-t-on à l’Unedic.
LES DÉPENSES DES FONDS MIS EN PLACE PAR L’ETAT DIMINUENT
Dans le rapport "Bilan du plan de professionnalisation et de structuration du secteur du spectacle vivant et enregistré", les auteurs se félicitent que les dépenses de l’Etat (via les fonds mis en place depuis l’été 2004) reculent. Ces fonds ont permis d’ouvrir des droits aux techniciens et aux artistes justifiant de 507 heures sur l’ancienne période de référence de douze mois. Après avoir atteint 119,6 millions d’euros en 2006 (23 323 bénéficiaires), l’enveloppe de l’Etat a chuté à 77,5 millions d’euros en 2007. Cette tendance devrait se poursuivre : en effet, à compter du 1er janvier 2009, l’allocation transitoire du fonds de professionnalisation et de solidarité va céder la place à l’allocation de fin de droits (AFD), plafonnée à 30 euros par jour (contre 45 euros actuellement) et pour une durée variable en fonction de l’ancienneté. Selon l’Unedic, 9 600 personnes, soit 42 % des futurs allocataires de l’AFD, présenteront une ancienneté dans le régime inférieure à cinq ans, ce qui limitera la durée du versement de l’AFD à deux mois, contre trois mois auparavant.
Afin d’éviter un vide juridique, les annexes ont été prolongées jusqu’au 15 février. "Mais nous n’avons pas de réponse sur ce qui se passera à partir du 16 février", avoue Jean Voirin, secrétaire général de la CGT du spectacle. Une hypothèse circule : les partenaires sociaux attendraient que la profession ait achevé de toiletter les conventions collectives du secteur pour remettre les annexes VIII et X sur le métier. Les grandes manoeuvres pourraient alors commencer au second semestre 2009... La CGT-spectacle, aiguillonnée par la Coordination des intermittents et précaires (CIP), revendique le maintien du régime actuel, qui permet à un artiste de bénéficier des indemnités chômage dès lors qu’il a déclaré 507 heures de travail sur dix mois et demi - 507 heures en dix mois pour les techniciens. Moins favorable que l’ancien dispositif (507 heures en douze mois), l’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle reste fondée sur la solidarité interprofessionnelle.
La CFDT a beau répéter qu’il n’est pas question de toucher aux annexes VIII et X, rien n’y fait. Les craintes - ou fantasmes ? - n’ont jamais été aussi fortes depuis le début de la "crise" des intermittents, en juin 2003. Les techniciens redoutent de devoir quitter l’annexe VIII et de rejoindre la filière de droit commun. Motif : leur situation financière serait nettement plus confortable que celle des artistes. Le régime plus avantageux de l’intermittence ne serait donc plus justifié.
LA RÉFORME N’A RIEN RÉGLÉ
Ces inquiétudes se fondent, notamment, sur un rapport remis à la ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, en décembre 2008. Intitulé "Bilan du plan de professionnalisation et de structuration du secteur du spectacle vivant et enregistré", il dresse un tableau très précis de l’intermittence depuis 2003. Les six signataires - inspecteurs généraux des finances (IGF), des affaires sociales (IGAS), des affaires culturelles (IGAC) et un responsable de la Direction de la musique, de la musique du théâtre et des spectacles au ministère de la culture (DMDTS) - montrent que la situation des intermittents "ne s’est pas dégradée" depuis 2003.
Au contraire, affirment-ils, leurs revenus ont augmenté tandis que le déficit des annexes VIII et X continue de se creuser, atteignant, fin 2007, 999 millions d’euros, contre 896 millions en 2003. Le système, par ailleurs, alimente les fraudes, insistent-ils. Rendu en pleine crise, et alors que le pouvoir d’achat des Français s’érode, le rapport pourrait presque nourrir le sentiment que les intermittents sont des "privilégiés".
Une chose est sûre, la réforme tant critiquée de juin 2003 n’a rien réglé. Après un léger décrochage à partir de 2004, consécutif au durcissement des conditions d’accès à l’assurance-chômage, les effectifs des annexes VIII et X se sont redressés "nettement" à partir de 2007, observent les auteurs.
La durée moyenne d’affiliation (nombre d’heures déclarées) a diminué de 6 % entre 2003 et 2007, passant de 723 heures à 682 heures. En 2007, 56 % des intermittents ont travaillé entre 507 heures et 613 heures, et plus de 20 % entre 507 et 520 heures. Sous-entendu, juste ce qu’il faut pour bénéficier des indemnités. "Seuls 9,5 % des allocataires ont travaillé plus de 1 014 heures", lit-on dans le rapport.
Les intermittents travailleraient moins, mais gagneraient plus ? Selon le rapport, la hausse du revenu annuel global des intermittents serait en effet de 18,5 % entre 2003 et 2007. Car le salaire journalier de référence (SJR) a progressé, et les allocations chômage ont été revalorisées. Les auteurs distinguent toutefois la situation des artistes de celle des techniciens : les premiers déclarent moins d’heures et leur revenu progresse moins sur la période étudiée (+ 5,9 % contre + 20,2 % pour les techniciens). Le revenu moyen global des techniciens est supérieur "de plus de 9 000 euros à celui des artistes en 2007".
Clarisse Fabre > LE MONDE | 02.01.09 | 15h20