31 décembre 2012 par Pascal Rogard - audiovisuel L’année 2012 est terminée.Il était temps pour un cinéma français au bord de la crise de nerf .Premier foyer de tension, le débat sur l’extension de la convention collective des techniciens signée par les grandes entreprises du secteur et les principales organisations de salariés, mais rejetée par les producteurs indépendants qui dénoncent des conditions économiques pouvant mettre en cause la diversité des films.Au nom de cette diversité et du droit à la création, certains spécialistes des pétitions pour nobles causes n’hésitent pas à jeter par dessus bord les règles élémentaires du droit social et à prôner un capitalisme dérégulé bien loin de celui des maîtres des forges.Peut-être ont-ils raison de craindre que des normes sociales ne restreignent le spectre de la production ?Mais pourquoi alors ne pas nourrir un vrai débat argumenté et chiffré et s’en tenir à cette absurde et moyenâgeuse théorie du complot des gros qui ne pensent qu’à faire disparaître petits et moyens ? Cet affrontement est resté confidentiel car le sujet ne contient aucun des éléments de journalisme spectacle dont la plupart des médias sont friands. Trop technique, trop difficile à comprendre aussi pour des non spécialistes. Et puis un nouveau Docteur justice le producteur et distributeur Vincent Maraval a jeté un pavé dans la mare et remué la soupe en dénonçant les salaires trop élevés des principaux acteurs français. Notons d’abord que la tribune publiée par « Le Monde » est une spéciale dédicace à Dany Boon archi-millionnaire en spectateurs depuis « Bienvenue chez les ch’ ti » et récemment acteur dans » Astérix au service de sa majesté « film au budget considérable, financé en partie avec un très important à valoir distributeur de Wild Bunch la société de Maraval. Un film qui bien qu’ayant réuni un large public n’a pas répondu aux espérances économiques de ses investisseurs ». Règlement de comptes à OK Corral « du coté de Gergovie… peut-être. Et puis vient le coup de massue, les salaires excessifs ne sont pas le résultat du marché, mais la conséquence du dévoiement de la politique qui au nom de la défense de l’exception culturelle impose aux chaînes de télévision d’investir dans la coproduction de films. Les chaînes cherchent à s’assurer du plus large potentiel d’audience et pour y arriver obligeraient - ou plus subtilement feraient comprendre – que la présence de têtes de gondole de la distribution artistique est indispensable pour obtenir leur financement. Dans cet univers, où les champions du box office sont rares, la loi du marché joue à plein et les salaires s’envolent. Cette description comme l’a souligné Jean Michel Frodon dans son blog n’est pas fausse, mais partielle, car si inflation il y a, elle ne se résume pas aux salaires de quelques uns. Elle concerne aussi le nombre de films et là c’est le dogme de la diversité qui est en question. Comment peut-on sérieusement écrire que « le système français ne profite qu’à une minorité de parvenus » alors qu’il suffit de passer quelques heures à regarder les films de l’année 2012 pour découvrir des oeuvres remarquables qui sans lui n’auraient jamais vu le jour. Pour conclure vient la proposition tant attendue et qui ne déparerait pas un rapport sur le cinéma écrit par des professionnels de la profession limiter à 400 000 € le montant du cachet des acteurs dans les films soutenus par les chaînes de télévision et prévoir les sommes supplémentaires en participation. Outre que cette règle serait contournable par un enfant en bas âge, inventer de nouvelles contraintes aux chaînes de télévision qui sur pression des producteurs ont après la dernière réforme perdu un accès proportionnel au soutien du CNC ne changera rien. Mais cela renforcera à coup sûr l’idée que les obligations d’investissement sont une sorte d’impôt, une régulation du passé destiné à rendue caduque avec le développement des nouvelles formes de télévision véhiculées par l’Internet. Non, l’origine du mal est interne à une profession bien incapable de s’autoréguler et qui gère l’argent des autres, sans mettre en place les outils de transparence garantissant à chacun le juste retour de son investissement ou de son apport créatif. Ce qui changerait quelque chose, et qui est du ressort du CNC, c’est que l’aide publique soit enfin conditionnée au respect de règles de transparence et que les oeuvres soient effectivement disponibles pour le public. Ce qui changerait quelque chose c’est aussi que les mauvais comportements soient sanctionnés. La politique de soutien au cinéma est un des atouts forts de notre pays. Elle contribue à son image dans le monde. Elle mérite mieux qu’un débat « peoplelisé « . Elle engendre sans doute quelques excès ou effets pervers, mais comme l’a souligné Serge Toubiana, elle est à l’origine de beaucoup de films dont la qualité est indiscutable et dont certains marqueront notre époque. Lors du dernier festival du film de Cannes 49 des 56 films en compétition bénéficiaient d’un soutien du CNC ce qui prouve amplement – et Bruxelles devrait s’en souvenir – que l’action de la France est au service de toute l’Europe. Ayons la générosité de penser à tous les créateurs en France et dans le monde qui sans elle n’auraient jamais pu s’exprimer et in fine, ne jetons pas la pierre à tous ceux qui ont la liberté et même l’irresponsabilité de la critiquer car sans elle, ils n’existeraient pas. Belle année 2013 à toutes et à tous.
Tout autre est l’exil fiscal de notre acteur le plus reconnu Gérard Depardieu qui avec sa liberté d’action et d’expression, héritage des « Valseuses« à planté son monde et contraint le premier ministre à démentir l’avoir qualifié de « minable« .Un exil dont les commentaires auraient pu rester cantonnés au monde politique si un autre acteur Philippe Torreton ne l’avait condamné, s’attirant une réponse très digne et tout en finesse de Catherine Deneuve et une réplique cinglante de Fabrice Lucchini : « il n’a pas la filmographie ».
Et là les médias raffolent… Un « insider » qui déballe, des noms connus, des sommes à faire rêver les parieurs du Loto, bref tous les ingrédients de la bonne discussion du bistrot du port.
Constatons aussi aussi que déclarer d’entrée de jeu que « l’année 2012 est un désastre pour le cinéma francais » revient à confondre des résultats globaux dont beaucoup de secteurs de notre économie pourraient se satisfaire et les pertes d’exploitation de certains films commerciaux pertes impossibles à évaluer tant est opaque l’environnement financier de la production.Jeter la pierre à des artistes au talent incontestable, très appréciés du public et indispensables au succès populaire de notre cinéma relève du masochisme – peut-être de la déception sentimentale – mais surtout me semble profondément injuste s’agissant de personnalités dont les rémunérations sont régulièrement exposés au grand public et dont la valeur économique repose comme celle des grands créateurs, sportifs, animateurs de télévision, etc… sur la singularité de leur talent auquel s’ajoute pour certains une incroyable popularité.Comparer les revenus des comédiens américains des films indépendants avec ceux des acteurs francais dans les films à grand budget c’est en spécialiste du bonneteau tromper le chaland trop crédule car bien évidemment les acteurs et actrices d’Hollywood ne sont pas des philanthropes et leurs cachets sont à la mesure ou à la démesure de leur notoriété mondiale.La critique est d’autant plus singulière qu’elle n’émane pas d’acteurs ou d’auteurs pensant qu’une moindre concentration des dépenses leur permettrait peut-être de disposer des moyens d’exprimer leur talent mais d’un producteur qui engage les comédiens, signe le contrat de travail et leur verse ces excessives rémunérations, mais il peut arriver à tout un chacun de mettre un zéro de trop.Il serait certes préférable pour l’économie de la production que les acteurs et actrices qui ont la confiance des investisseurs et en particulier des chaînes de télévision se contentent de rémunérations forfaitaires plus raisonnables et participent à la fortune bonne ou mauvaise du film. Idem pour les auteurs mais l’étude des contrats effectuée par la SACD a prouvé qu’il s’agit souvent d’un leurre.Tous l’ont fait et beaucoup de films dits difficiles n’existeraient pas sans leur engagement. Mais la généralisation du système implique une totale transparence des comptes de production et une confiance entre les parties qui souvent fait défaut.