Le jour n’était pas levé
L’obscurité et le silence régnaient dans les studios.
La porte du plateau où il avait passé la nuit était restée entrouverte.
Le décor aussi était plongé dans la pénombre.
Seul le cyclo, haut comme une maison, était éclairé par un projecteur, au pied duquel dormait Santiago, sur un polystyrène, à même le sol.
Un ciel, tourmenté, lumineux, épaissi de nuages poussés par le vent, rendant à la fois la douceur du soleil couchant et de la nuit naissante, le tableau gigantesque donnait le vertige.
C’est ce que Santiago vous réservait comme surprise, au petit matin, seul avec sa peinture, chaque fois plus surprenante, chaque fois plus envoûtante.
La feuille blanche de 100m2 ne lui faisait pas peur, surtout la nuit, où il devait appeler ses muses ou dialoguer avec Hendrix qu’il écoutait à fond, il mélangeait ses couleurs, remplissait son pistolet, et se propulsait dans la toile vierge sans s’occuper ni du temps, ni de l’heure, un oiseau de nuit, un magicien ….
Avec Santiago, pour peindre au sol du plateau une rivière aux eaux limpides, peu profondes, pas besoin de photos, ni de documents, il suffisait de lui décrire avec les mots justes l’effet souhaité, et parti loin dans son laboratoire à images, il concoctait un trompe l’œil à facettes, on marchait sur son décor, et on avait les pieds mouillés.
C’est l’effet Santiag’..
Dans la famille décoration, chacun d’entre nous peut se réjouir d’avoir eu Santiago ne serait-ce qu’une journée sur son film.C’était à tous les coups un supplément d’art, un cadeau en or, on en a même connus qui attendaient qu’il soit libre pour commencer un décor.
Il a par sa fougue, sa perception des couleurs et de la nature, par la fulgurance de son geste, il a illuminé nos plateaux, il exhaussé nos désirs, il nous a fait vibrer, sans limites, sans entraves.
Un vent chaud venu du sud a soufflé sur nous pendant toutes ces années,
Une flamme rougeoyante s’est éteinte, so long Santiag’.
Nicolas Prier