Fin 2010, 1 500 salles seront concernées par la conversion des
écrans de cinéma à la diffusion numérique.
« LE FIGARO » 17 / 11 / 2009 Paule Gonzalès.
Le laboratoire Éclair est en redressement judiciaire. Près de 60 % des entreprises du
secteur sont menacées à moyen terme, faute de pouvoir financer le passage au
numérique.
Derrière la bonne santé de façade du cinéma français, le secteur des industries
techniques est à l’agonie. Actuellement, un tiers des 180 en-treprises qui fabriquent
des films en France sont en grande difficulté financière et risquent de disparaître
dans les prochaines semaines. Un autre tiers pourrait connaître le même sort d’ici la
fin de l’année. Aujourd’hui, c’est le mythique laboratoire Éclair qui est en cessation de
paiements avec un endettement de plus 20 millions d’euros.
Cet été, faute de commandes, Éclair a dû céder ses quatre studios de Boulogne, à
TSF. « Ne pas les reprendre, c’était encourager la délocalisation des tournages à
l’étranger et pénaliser un peu plus les quinze métiers nécessaires pour faire un film
depuis les décors jusqu’au tirage de copie, sans oublier la prise de vue, le son, les
effets spéciaux, et même les costumes », explique Thierry de Segonzac, patron de
TSF.
Baisse des tirages de copies
Aujourd’hui, Tarak Ben Amar, patron de LTC, le premier acteur du marché des
tirages de copies et détenteur de 43 % d’Éclair propose, une nouvelle fois, la fusion
entre les deux entités. Une opération refusée en 2007 par les autorités de la
concurrence pour éviter une situation de monopole. « Si nous n’agissons pas dans
les trois mois, je serai en situation de monopole de fait », affirme l’homme d’affaires.
C’est la conversion des écrans de cinéma à la diffusion numérique - fin 2010, 1 500
salles seront équipées - et la décroissance du tirage de copies qui plombent cette
activité. Les sociétés ont donc besoin de temps pour se restructurer et se reconvertir.
C’est un secteur clé, qui totalise 1 milliard de chiffre d’affaires, emploie 10 000
salariés, engendre 30 000 intermittents et a investi ces dernières années entre 150
et 200 millions d’euros. « Jamais nous n’avons été confrontés à une si mauvaise
constellation », explique Thierry de Segonzac. « 2009 a vu l’accélération du passage
au numérique alors que nos équipements traditionnels ne sont pas encore amortis.
La crise a aussi entraîné une chute de 37 % des financements du cinéma, de 10 %
de la durée des tournages et un effondrement de 47 % des tournages audiovisuels. »
Résultat, en neuf mois, la filière a vu son chiffre d’affaires chuter de 15 à 20 %. Dans
l’industrie de tournage, après la disparition de GTC, seules trois entreprises
subsistent, dont deux se partagent 90 % du marché.
Demande de soutien du FSI
Alors que les équipements en 35 mm ne rapportent plus, les banquiers répugnent à
financer le passage au numérique du fait de l’obsolescence rapide des matériels.
Dans la postproduction - montage, traitement de l’image, effets spéciaux ou
étalonnage - qui compte une centaine d’entreprises pourtant toutes passées au
numérique depuis dix ans, la crise est aussi là. Monde très atomisé, il est confronté à
l’arrivée perpétuelle de nouveaux équipements impliquant une adaptation sans fin.
Les seuls à gagner de l’argent sont les laboratoires de 70 mm qui fournissent la
Géode par exemple ou ceux de doublage du fait de l’engouement pour… les séries
américaines.
Le secteur demande à l’État de desserrer l’étau des charges afin d’assouplir les
difficultés de trésorerie à hauteur de 50 millions d’euros et de faire intervenir le Fonds
stratégique d’in-vestissement (FSI) pour 40 millions d’euros afin de réduire
l’endettement. Une solution que les industries veulent transitoires car elles misent sur
une reprise en 2011.