La Cour des comptes demande la suppression de la caisse des congés spectacles. Dans un "relevé d’observations définitives", adopté le 26 novembre 2007 mais resté jusqu’ici confidentiel, la haute juridiction ne trouve "aucun argument susceptible de justifier de façon indiscutable" le mode de gestion spécifique des congés payés des intermittents du spectacle. Insistant sur les nombreux dysfonctionnements du dispositif, elle demande un retour au droit commun.
Depuis plus de cinquante ans, les artistes et techniciens du spectacle disposent en effet d’un régime particulier. Leurs contrats sont, il est vrai, souvent nombreux et très courts. Difficile, pour eux, de bénéficier des classiques congés payés. Afin de s’assurer qu’ils reçoivent bien une indemnité de compensation, le législateur a créé une caisse spécifique. Alimentée et gérée par les employeurs, elle perçoit les cotisations et reverse aux employés leurs prestations.
Dans un premier "relevé de conclusion provisoire", la Cour avait identifié de nombreuses irrégularités commises par la caisse (Le Monde du 4 février). Forte des réponses des différentes administrations concernées, elle maintient ses critiques. Elle estime que ce régime "complique et ralentit le paiement des indemnités". Au lieu de percevoir ses prestations dès la fin de son contrat, l’intermittent attend "en moyenne" sept mois. Pis : 8 % des indemnités ne sont jamais versées aux employés...
Elle dénonce aussi la perception auprès de toutes les entreprises audiovisuelles d’une cotisation théoriquement exclusivement versée par les entreprises de cinéma. Celle-ci devait en effet permettre de financer le "conseiller social" chargé de surveiller les tournages de films. 700 000 euros perçus, quelques dizaines de milliers dépensés... Le reste profitait à deux syndicats de producteurs. Cette pratique a été interrompue en avril 2007.
BAISSE DE L’ASSIETTE
Enfin, la Cour épingle l’abattement de 20 % de charges sociales accordés à 15 000 techniciens de l’audiovisuel, une faveur théoriquement réservée au cinéma. Cette erreur a non seulement privé les régimes sociaux de 16 millions d’euros, mais elle a aussi baissé l’assiette de calcul des retraites des techniciens concernés. Une erreur corrigée à partir de 2002, mais soigneusement dissimulée. "Ni les salariés concernés, ni l’assemblée générale de la caisse et son conseil d’administration, ni le commissaire aux comptes n’en ont été tenus informés", insiste la Cour.
Par ailleurs, poursuivent les rapporteurs, "c’est seulement à la suite du contrôle de la Cour que la caisse a décidé de régulariser le versement des cotisations non prescrites restant dues depuis 1996 aux organismes de retraites complémentaires. Cette décision de principe n’était toutefois pas encore suivie d’effet à la fin 2007".
Jugeant certains faits "répréhensibles", la Cour des comptes a transmis le dossier à la justice. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire. Surtout, les rapporteurs ont durci leur diagnostic. Là où ils s’interrogeaient sur l’avenir du dispositif, ils ont tranché : ils souhaitent sa disparition.
Nathaniel Herzberg
Article paru dans l’édition du 20.03.08.