Où faire le cinéma – Made in France : réalité ou fiction ? Hémicycle du Conseil Régional d’Île de France, Paris, mercredi 20 février 2013 Ces rencontres se sont déroulées dans le cadre du festival de l’Industrie du Rêve, et ont majoritairement réuni un auditoire de techniciens issus des différentes associations professionnelles. L’Industrie du Rêve devrait bientôt mettre en ligne l’ensemble des débats sur son site :
Le colloque a commencé par un rapide état des lieux et une contextualisation de l’industrie du cinéma, analysés par Serge Siritzky, rédacteur en chef d’Écran Total. Où il apparaît que si l’industrie du cinéma, dans un spectre étendu, est une industrie qui génère plus d’emplois que l’industrie automobile, pharmaceutique ou aéronautique, elle se retrouve fragilisée depuis quelques temps par un mouvement de plus en plus important de délocalisations, le phénomène atteignant en 2012 près de 40 % de la production…
À la suite de cet état des lieux, Brigitte Aknin, responsable des Rencontres Art et Technique pour le compte de l’Industrie du Rêve a fait une communication sur les résultats de l’enquête Industrie du Rêve/Écran Total sur le Parcours professionnel des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel, enquête qui a été envoyée à 4000 techniciens (issus des associations et du fichier de l’Industrie du Rêve) et qui a reçu 1100 réponses, réparties sur deux tiers d’hommes et un tiers de femmes, avec une moyenne d’âge de 67 % de plus de 40 ans. Cette photo montre que l’enquête n’est peut-être pas un reflet exact de la répartition générationnelle de les classes d’âges qui travaillent dans l’industrie du cinéma, ceci s’expliquant entre autre par le fait que les associations regroupent essentiellement des techniciens confirmés et expérimentés. Une inquiétude globale s’entend dans les réponses des participants, et qui s’explique autant par le phénomène des délocalisations que par la dérégulation liée au numérique.
L’enquête portant sur l’idée – ou pas – d’une french touch dans le cinéma français, il ressort que pour une majorité des sondés cette french touch existe bien. Restait à savoir comment cette singularité pouvait se définir.
Ce fut donc l’objet de la première table ronde : French Touch, réalité ou fiction ?
Cette table ronde comprenait Cédric Klapisch et Philippe Le Guay, réalisateurs, Cyrille Bragnier, directeur de production, Baptiste Heynemann, responsable industrie technique & innovation au CNC et Michel Pouzol, député et membre de la comission des affaires culturelles.
Un débat intéressant, d’où il ressortit néanmoins que l’idée d’une French Touch est un concept assez ténu et difficile à définir. En résumé, on parla d’une capacité qu’ont les français à savoir faire un film avec une structure d’équipe réduite comparée aux équipes anglo-saxonnes, une flexibilité et une souplesse bien plus grandes qu’aux Etats-Unis. Il fut également souligné le caractère très différent qu’on donne à la place et au traitement des comédiens de ce côté de l’Atlantique, qui voit les plateaux se plier aux désidératas et obligations des comédiens (plan de travail parfois chamboulé, journées écourtées, etc..) quand les comédiens américains qui sont payés pour une journée de 10h effectives restent maquillés et prêts à tourner jusqu’à la dernière minute de la journée, même s’ils ont terminé leurs scènes plusieurs heures plus tôt. D’où il ressort que le statut des comédiens, aux USA, est le même, peu ou prou, que celui des techniciens.
Au-delà de cela, il apparaît bien difficile de caractériser la French Touch.
Pour notre part, la french touch ne se définirait-elle pas par cette mode croissante de ce qu’on appelle pudiquement les films dits de la diversité quant il s’agit plus généralement des films sous-financés, et qu’on tente de financer par des ajustements de salaires, en essayant qui plus est de pérenniser différentes grilles de salaires dans le marbre d’une convention collective ?!
Une seconde table ronde fut ensuite lancée, le film à tout prix, avec divers producteurs en intervenants, Pierre-Ange Paugam (Stone Angels), Jean-François Lepetit (Flach Films), Marie Gutmann (Méroé Films) et Jean-Baptiste Babin (Back-up Films), représentant une diversité des films produits.
Le débat aura tourné autour des moyens de production, des difficultés, d’un certain combat quant à faire des films en France, mais n’aura pas été évoqué – faute de temps ? – le fond du problème, qui est de se demander si l’on doit faire un film à tout prix. En d’autre terme, certains films doivent-ils, devraient-ils, vraiment se faire… ?
Une évidence est néanmoins sorti en creux de cette table ronde qui est le constat d’un trop grand nombre de films sortant chaque semaine, imposant un turn-over hebdomadaire, et qui condamne ainsi certains films à peine sortis dont on sait l’existence - le moyen de survie – lié à une exploitation sur la durée. Le nombre grandissant de films produits et distribués tue une grande partie de ces films. Comme une sorte d’auto-étouffement.
La dernière table ronde fut consacrée à L’Europe : concurrente ou complémentaire ?
Elle réunit David Assouline, sénateur, vice-président de la commission culturelle au Sénat et administrateur du CNC, Aviva Silver, chef d’unité du programme Media Europe/ Communauté Européenne, Marietta Karamanli, députée, membre du groupe d’étude cinéma et production audiovisuel et Louis-Philippe Capelle, chef opérateur belge et secrétaire général d’Imago (fédération eufopéenne des associations de directeurs de la photo).
Une table ronde complexe, pointue et instructive, d’où il est ressorti le constat d’une grande diversité d’appréciations sur les moyens de faire du cinéma, harmoniser les aides, etc… Le grand chantier à venir sera (ou serait) une harmonie fiscale, qui permettra (permettrait) d’avoir une concurrence loyale entre les pays de la communauté européenne ce qui n’est pas le cas actuellement (cf. crédits d’impôt, taxe shelter,etc…) Dans le même ordre, l’idée sous-jacente d’un CNC européen semble un vœu pieux et une belle idée dont la construction est bien loin d’être réalisée. Peut-être devrait-il être déjà envisagé la création de CNC dans chacun des pays de la communauté européenne.
http://www.industriedureve.com/