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L’interview de Philippe Le Sourd

l’interview du moment | 04/06/2013

Le chef opérateur Philippe Le Sourd est à l’affiche avec The grand master, le dernier film de Wong Kar Wai dont il a signé la photographie.

Comment imaginez-vous les lieux d’un futur tournage ?

En général, à la lecture d’un scénario, un tourbillon d’images apparaît imprégné de la sensibilité d’un réalisateur. Les éléments se concrétisent lors du travail de préparation du film. Pour The grand master, c’était assez surprenant puisqu’à la base, je n’ai jamais eu de scénario me décrivant les scènes ou l’histoire. Le processus créatif a démarré à la suite d’un entretien avec le réalisateur Kar Wai qui m’a fait part de ses recherches, de photos anciennes décrivant différentes époques.
Une histoire solitaire et hors du temps, aux décors improbables, voilà la sensation qui s’est inscrite dans mon corps après cette rencontre. Aussi fou que cela puisse paraître, j’ai découvert les décors et l’histoire au fil des jours, en Chine, sans vraiment avoir les sous titrages en guise d’explications !

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mes sources d’inspirations sont variées. J’affectionne plus particulièrement la photo, la peinture et la musique. L’isolement en Chine m’a poussé dans mes retranchements et j’ai du puiser sur place dans des livres relatant l’histoire du pays avec des reproductions et des peintures sur la Chine ancienne. Mais on part de l’ancien pour aller aussi vers le contemporain et l’abstraction.

Comment exprimez-vous vos idées ?
Je ne les exprime probablement qu’au travers de la lumière et du cadre. Intérieurement, je vois une histoire mais je ne ressens pas le besoin de l’exprimer autrement qu’à travers l’image.

Sur un film, comment souhaitez-vous collaborer avec son décorateur ?
Comme un premier amour

Tournage en extérieurs et décors en studio, avez-vous des préférences ?
Les besoins d’un film vous amènent toujours vers un choix plutôt qu’un autre. Je n’ai pas de préférences mais les tournages en extérieur imposent forcément plus de contraintes de lumières. Le studio apporte plus de flexibilité en termes de tournage et ceux en extérieur, la magie de l’improbable.
On peut toujours transformer la réalité et la détourner à son profit. Le point de vue est primordial, rien qu’en cadrant, on peut "arracher" un objet, un décor de son contexte en lui donnant une autre vie, un autre sens, une autre histoire.
Tout ça pour dire que l’illusion du cinéma est de pouvoir faire croire que l’action se déroule dans un vrai lieu. Peu importe qu’il soit complètement recréé ou réel.

Votre avis sur les techniques de prise de vue dans les tournages aujourd’hui ?
Le balbutiement et le gazouillement du 21ème siècle

En quelques mots, cinéma/télévision/pub quelle différence ?
Aucune, à partir du moment où je suis transporté par la vision d’un réalisateur et d’une histoire qui en vaut la peine.

Un film qui vous a marqué ou influencé ?
L’aurore de Murnau

Une lumière d’un film qui vous a fait rêver ?
Days of heaven - Terrence Malick

En quoi avez-vous changé depuis vos débuts ?
Celui d’oublier et de ne pas savoir

Votre plus belle aventure ?
La plus belle aventure est sûrement celle que je viens de finir, en tournant pendant 3 ans avec Wong Kar Wai. C’est une histoire qui a commencé avec la recherche de décors, seul avec un assistant réalisateur en Mandchourie l’hiver 2009, sans scénario et ne sachant pas quand elle devait finir. Chaque jour dans le froid de la Mandchourie et la chaleur du Sud de la Chine, l’isolement de la langue, les 7 jours sur 7 de tournages de nuit, nous avons essayé de créer un univers, une écriture, un chemin.
Chaque plans, scènes devenaient un questionnement et le temps de processus de l’écriture rendait faible tout ce qui avait été fabriqué il y a déjà des jours et des années. On ne fabrique plus un film de la même façon en l’écrivant sur 6 mois et 3 ans. Les émotions sur le temps qui vous traversent dans la fabrication changent et votre écriture aussi.
C’était fascinant de voir le processus de création et de destruction. J’ai rêvé pendant 3 ans les yeux ouvert dans la poésie, le chaos.

Quelques mots sur The grandmaster ?

Allez le découvrir avec votre cœur


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