Association des décoratrices et décorateurs de cinéma

François-Renaud Labarthe, "Personnal Shopper"

l’interview du moment | 17/12/2016

Depuis Désordre en 1986, Olivier Assayas a fait appel à FRANÇOIS-RENAUD LABARTHE (ADC) pour la plupart de ses films. Personal Shopper est sur les écrans, l’occasion d’une interview avec le décorateur.

Après tant de films avec un même réalisateur, il vous suffit de lire son scénario pour imaginer les décors à venir ?
Personal shopper est mon 13ème film avec Olivier Assayas. Ses scénarii sont toujours très inspirants et précis bien qu’ils ne comportent que peu d’indications purement stylistiques. Nous nous connaissons depuis 30 ans, le fait d’avoir tourné pas mal de films ensemble pourrait présenter une sorte de danger qui consisterait à tomber dans une certaine facilité, à céder à certains automatismes.
Alors je m’efforce d’aborder chaque nouveau film avec Olivier comme si c’était le premier, en faisant abstraction autant que possible de ses goûts personnels et des miens. Seuls les personnages et l’histoire comptent. Mon imagination agit alors exactement de la même façon que pour tout autre scénario et c’est un processus d’immersion progressive, se nourrissant de repérages, de recherches personnelles... 

Quelles indications vous a-t-il donné pour l’ambiance visuelle de Personnal Shopper ?
Assez peu, en fait. Avec Olivier, nous discutons beaucoup du contexte sociologique des personnages. Il ne me montre jamais de références d’ambiance et j’en fait de même. Ce qu’Olivier me demande, et m’a d’ailleurs toujours demandé, c’est d’apporter ma propre vision du film, au travers des espaces, des couleurs et des formes que je choisis.
Cette confiance qu’il me fait est extrêmement motivante et gratifiante et j’aime particulièrement ces moments où il découvre les décors que j’ai imaginé, souvent quelques heures avant le tournage. D’ailleurs, je vis toujours ces instants avec une pointe d’appréhension...

Quel style avez-vous cherché pour la maison où Maureen assiste à des phénomènes surnaturels ?
La "maison hantée", car c’en est une, fait évidemment référence à un genre cinématographique bien connu dont il nous a fallu nous libérer tout en en conservant certains éléments (enfilades de salons, escaliers, longs couloirs...).
L’idée était en fait d’adapter cette référence à une maison bourgeoise en région parisienne. La réalité, les contingences de production du film, nous ont poussé à nous adapter aux décors naturels disponibles à Prague, en République Tchèque...

Une fois le décor trouvé, dans quelle mesure a-t-il été transformé ? Fallait-il tenir compte de l’apparition du "fantôme" ?
Cette maison est en fait constituée de deux décors naturels différents : une maison pour l’extérieur et tout le rez-de-chaussée, et une autre pour le premier étage. L’enjeu principal a été de les harmoniser grâce à un travail sur les matières, les couleurs, les patines.
Concernant les apparitions elles-mêmes, le type même d’effets spéciaux utilisé pour montrer cet ectoplasme n’a nécessité aucun traitement spécifique, sur les murs par exemple. Par contre, il fallait bien sur laisser les traces fantomatiques des derniers occupants...

Comment avez-vous procédé pour la "déco" de l’appartement de Kyra, personnage people du monde de la mode ?  
Cet appartement a été entièrement construit en studio et tout a été conçu autour de l’idée qu’il était l’oeuvre d’un décorateur d’intérieur. L’agencement des espaces, les couleurs ou non-couleurs, le mobilier, les tableaux...
Quelqu’un payé par Kyra pour substituer son "bon goût" de professionnel au sien, et lui proposer ainsi un cadre de "vie" qu’elle est incapable ou qu’elle n’a pas le temps d’inventer elle-même. Quelque chose de juste et de représentatif, sans doute, mais d’artificiel et neutre.

On devine les différents quartiers de Paris où le film est tourné, Assayas et vous aviez la volonté d’inscrire le film dans la ville ?
Dès le scénario, le film était inscrit dans une géographie parisienne assez précise qui collait à ses personnages : le 16ème arrondissement pour l’appartement de Kyra, le 8ème, la place Vendôme et la rue Saint Honoré pour les activités professionnelles de Maureen, le 10ème pour l’endroit où elle vit... 

A la fin du film, Maureen se rend au Moyen-Orient, pourquoi cet endroit précisément ?
Olivier a un intérêt très vif et très compréhensible pour le Moyen-Orient, sa culture, ses paysages. Nous avons été plusieurs fois au Yémen ensemble et c’est sans doute là que cette partie du film aurait été tournée si cela avait été possible.
Le choix du Sultanat d’Oman, voisin du Yémen, s’est imposé d’emblée. Je n’ai participé qu’aux repérages avec Olivier et j’en ai profité pour y puiser l’inspiration qui m’a permis de fabriquer les décors intérieurs en studio à Prague, l’appartement de Gary et celui du « funduq ».

Décorateur ou chef décorateur, directeur artistique, production designer en anglais…quelle titre préférez-vous pour définir votre rôle sur un film ?
Les titres m’importent peu. J’ajouterai que je n’aime pas beaucoup les mots chef ou directeur...

Question subsidiaire, sans rapport avec Personnal Shopper  : un film, un spectacle, un livre….qui vous a marqué récemment ?
Difficile de n’en retenir qu’un. Pour évoquer quelque chose de très récent, je viens de lire un scénario absolument magnifique, "Daoud’s winter" de Koutaiba Al-Janabi, une histoire qui se passe pendant la guerre en Irak, dans les années 80. Certainement un très grand film à venir...

Photos © Les films du Losange


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