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Chef décorateur de « Paulette », la comédie de...

l’interview du moment | 14/01/2013

Chef décorateur de « Paulette », la comédie de Jérôme Enrico sur une dealeuse du troisième âge, Christophe Thiollier se prête au jeu de l’interview.

Comment abordez-vous la lecture d’un scénario ?

La première lecture est pour moi la plus importante. Il se trouve que j’ai une culture très littéraire, du coup j’aime bien lire un scénario comme un livre, sans penser que je vais travailler dessus, je laisse travailler mon imaginaire, je me forge mes images, je me fais mon film. Les lectures suivantes sont forcément plus travaillées, enrichies par les échanges avec les uns et les autres et donc moins personnelles. Et puis c’est parfois étonnant de confronter sa vision avec celle d’un réalisateur qui voit les choses de façon tout à fait différente et du coup mettre son ressenti en veilleuse, se mettre au service de l’autre tout en essayant de ne pas s’oublier.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Elles sont bien évidemment multiples, les films bien sur, les livres , les photos, les peintures, internet par exemple est devenu un outil formidable et incontournable. Et puis cela dépend des projets, je termine un film sur la révolution Française et très sincèrement je n’y connaissais pas grand chose, et bien entre autre je me suis lancé dans la lecture de Michelet (histoire de la révolution Française) que j’ai découvert, que j’ai apprécié et qui à été une source d’inspiration particulièrement fertile.

Comment exprimez-vous vos idées ?

Quand j’ai le temps et les moyens par des dessins, des maquettes, des montages photos et puis surtout en discutant avec les réalisatrices et les réalisateurs, et puis tous les chefs de poste...et bien sur avec mon équipe.

En quoi avez-vous changé depuis vos débuts ?
Je pense que l’expérience aidant je suis moins dispersé, que j’arrive à mieux cibler mon travail et me concentrer sur ce qui importe le plus. Et puis aussi j’ai toujours beaucoup aimé le travail d’équipe et la puissance que cela représente et j’essaie toujours de m’appuyer et d’encourager le talent des uns et des autres, de déléguer au mieux pour que le résultat soit le plus riche possible.

En trois mots, cinéma, télévision quelle différence ?
Très sincèrement, quel que soit le film que je fais, que ce soit un court métrage, un téléfilm ou un film de cinéma, mon implication est la même. Après bien sur, les budgets diffèrent, on a plus ou moins de temps, mais la volonté de faire n’est pas différente, il faut rendre le projet crédible, il faut que ça marche.

Vos expériences à l’étranger ?
J’ai peu travaillé à l’étranger, en Espagne et en Italie en fait. Ce qui est plaisant ce sont les rencontres, les recherches en compagnie des habitants de ce pays, essayer de comprendre, de saisir d’autres cultures. Cela a toujours été des expériences enrichissantes.

Un film qui vous a marqué ou influencé ?

Il y en a tellement ! Oui, je sais c’est un peu "bateau" comme réponse mais que dire d’autre. En tous les cas, ce n’est pas forcément par les décors qu’ils m’ont marqué. Comme réalisateurs je pourrais citer Hitchcock, John Huston, Howard Hawks, F.F. Copola, M. Scorsese, Ridley Scott, Wim Wenders, François Truffaut et tant d’autres...

Un décor qui vous a fait rêver ?
Je crois que le film où j’ai vraiment pris conscience des décors, c’est le "Alien" de Ridley Scott. Il se trouve que j’avais lu le livre avant de voir le film et je m’étais bien sur fait des images de ce que je lisais, mais quand j’ai vu le film je suis resté littéralement "scotché". C’était fantastique, chaque endroit du vaisseau était un décor différent avec une ambiance différente, une lumière différente et de plus en plus suintant, mettant la peur et l’angoisse en image. Pour moi, une révélation et un véritable chef-d’oeuvre. Je ne savais pas encore à l’époque que je deviendrais un jour chef décorateur !

Votre plus belle aventure ?

Il se trouve que j’ai eu la chance de travailler comme deuxième assistant décorateur sur « La cité des enfants perdus". C’est véritablement un film de décors, peut-être le dernier long métrage entièrement tourné en studio en France. Quand on y songe, la seule scène tournée à l’extérieur est celle du scaphandrier sous la mer. Quoiqu’il en soit, pour moi cela a représenté 9 mois de travail sur un décor gigantesque de 4000 mètres carrés : le décor du port. Un décor a moitié en eau, de 14 ou 15 mètres de hauteur, avec deux carènes de bateau mobiles, un ponton construit, détruit, des maquettes, des défis techniques à résoudre, des tonnes de matériaux à faire livrer en temps et en heure, ne surtout pas paralyser les 120 à 150 techniciens au moment les plus forts du chantier, des constructeurs, des peintres, des serruriers, des sculpteurs, j’en passe et des meilleures...
Je me souviens de l’exaltation ressentie au petit matin quand je pénétrais sur le décor. Une machine formidable et merveilleuse.

Le Musée d’Orsay expose actuellement Félix Thiollier, un photographe important de la fin du XIXème siècle qui était votre arrière grand-oncle. Avez-vous été influencé par cette filiation ?

Felix Thiollier est effectivement un photographe important par le nombre de clichés qu’il a réalisé, il était tout à fait méconnu du grand public jusqu’en 2010 ! Il s’est toujours considéré comme un amateur et son travail est une œuvre de passionné. Moi même, j’ai découvert ses travaux il y a deux ans à l’occasion d’une exposition qui à eu lieu au Japon et dont j’ai su l’existence et pu me procurer le catalogue grâce a un oncle qui possède une maison d’édition "L’Asiathèque".
Il est clair que la famille a une importance prépondérante dans mon héritage culturel et participe de fait à ce que je suis devenu aujourd’hui. Ma grand mère était historienne d’art et conférencière, et en sa compagnie j’ai visité de nombreux musées et vu pas mal d’expositions. Tout cela s’est fait par couches successives et je pense de façon très inconsciente aussi. L’intérêt et la curiosité ont fait le reste.

Quelques mots sur Paulette, le film de Jérôme Enrico ?

"Paulette" est une comédie, un scénario assez original qui se passe en banlieue sur lequel j’ai retrouvé le réalisateur Jérôme Enrico avec qui j’avais travaillé il y a plus de 10 ans sur la série "Police district". Sur le papier "Paulette" n’était pas forcément un film de décors, mais petit à petit au fur et à mesure des repérages, il s’est imposé à nous qu’il fallait construire deux appartements en studio car les véritables appartements de cité sont très compliqués a trouver et a tourner. Et puis aussi nous n’arrivions pas à trouver un restaurant en décor naturel qui devait subir de multiples transformations.
Nous avons finalement tourné dans le décor de rue de la SFP à Bry sur Marne, et le même décor est devenu tour à tour un café des années soixante, puis un restaurant des années soixante-dix pour terminer en restaurant Japonais à notre époque et tout ça à toute vitesse et en plein hiver ! J’ai eu des frayeurs avec les matières et la peinture de la façade en extérieur, alors qu’il gelait ! Il ne faisait pas tellement plus chaud à l’intérieur et je peux vous assurer que je n’étais pas tranquille. Sinon la collaboration avec Jérôme était très agréable, il avait des idées très précises en tête, j’ai parfois essayé de lui faire des propositions différentes, il ne disait pas non mais revenait invariablement à ses premières idées. Du coup, il y avait une base concrète sur laquelle on pouvait s’appuyer et ainsi moins de doutes. Ce film reste une jolie expérience et je lui souhaite bien sur du succès.


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